Joe Letteri, le big boss des FX

Récompensé par 4 Oscars du cinéma et 4 BAFTAs, cet expert des effets spéciaux est devenu en 2010 le directeur du prestigieux studio de post-production créé par Peter Jackson, Weta Digital, qu’il avait rejoint en 2007.

Sur le dernier Planète des Singes, Andy Serkis expliquait que ce qu’il le frappait pour cet ultime épisode, c’était l’évolution des outils utilisés. Car pour lui, son jeu d’acteur n’avait pas vraiment évolué, mais le rendu n’en était pas moins amélioré…

Nous avons en effet amélioré deux choses importantes. D’une part, la technologie pour enregistrer et capturer sa performance d’acteur. Le challenge était encore plus important pour ce dernier film car nous devions réaliser la captation dans des environnements parfois hostiles : il pleuvait, il neigeait, il faisait froid, nous tournions de nuit… Bref, nous avons travaillé d’arrache-pied pour créer des outils beaucoup plus fins qu’auparavant.

D’autre part, nous avons ajouté beaucoup de réalisme dans les créatures, en particulier pour le personnage de César. Étant donné qu’il y avait beaucoup de gros plans, nous avons vraiment travaillé sur le rendu de la peau, essayé de nouvelles manières de créer les lumières, de jouer avec l’éclairage, de travailler sur les poils. Le but était vraiment que l’émotion et le réalisme des personnes soient rendus beaucoup plus finement.

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C’est un travail de développement incessant ?

Oui, c’est un peu comme les jeux vidéo. Pour chaque film, nous gardons bien sûr certaines bases, nous ne repartons pas de zéro, mais nous développons sans cesse de nouveaux outils car nous imaginons de nouvelles techniques qui pourraient apporter un bénéfice au rendu du film. Si je devais travailler sur un quatrième ou cinquième film, le plus important serait de savoir quelle serait l’histoire car cela influerait énormément sur notre approche et les outils à créer.

Andy Serkis en pleine captation sur le dernier Planète des Singes.
Andy Serkis en pleine captation sur le dernier Planète des Singes.

Pourriez-vous nous expliquer comment se crée ce type d’outils ?

La base, c’est la science. Ce que je veux dire par là, c’est qu’avant de commencer à pondre la moindre ligne de code, vous devez savoir comment la lumière se propage dans tel ou tel type d’environnement, comment un corps bouge dans telle ou telle position, ou comment des corps interagissent, je pense notamment au mouvement du corps de César quand il est à cheval. Ensuite, vient la question de ce qui va être montré à l’écran, cela peut-être les reflets d’un soleil au zénith sur une fourrure, cela peut-être des reflets dans une flaque d’eau d’un corps en mouvement, cela peut-être la crispation d’un visage en colère en gros plan. Et je ne parle pas des réactions d’un corps, d’un squelette, de muscles quand ils reçoivent un coup ou une rafales de balles.

Tourner des scènes de groupes peut parfois demander beaucoup d’efforts.
Tourner des scènes de groupes peut parfois demander beaucoup d’efforts.

Bref, une fois que vous savez comment tout cela fonctionne et ce que vous voulez montrer, vient la phase de conception de votre logiciel. J’ai un très bon exemple dans le dernier Planète des Singes : il y a un combat qui se déroule dans la neige. Quand le réalisateur m’explique ce qu’il veut faire, je dois immédiatement imaginer toutes les contraintes par rapport aux personnages : non seulement quand le singe va tomber dans la neige, je vais devoir montrer la neige qui colle à sa fourrure, mais je ne dois pas oublier qu’au contact de son corps, la neige va aussi commencer à fondre. C’est toutes ces caractéristiques, ces contraintes physiques que vous devez intégrer dans votre logiciel. Et là commence le challenge.

César dans son rendu final à l’écran.
César dans son rendu final à l’écran.

Comment se découpe la création de ces effets spéciaux ?

Il y a plusieurs équipes. D’une part, la première équipe se déplace sur le tournage et a pour mission de capturer  le mouvement de l’acteur. Sur ce tournage, c’était vraiment important car il y avait beaucoup d’écrans verts, je crois qu’ils étaient une petite trentaine. Ensuite, une seconde équipe va travailler pour traduire le mouvement de cet acteur dans le personnage, une troisième va s’occuper des muscles et du rendu, une quatrième va s’occuper de l’intégration de ce personnage dans le décor, etc. Il y a de très nombreuses équipes qui travaillent ensemble jusqu’à l’assemblage de tous ces éléments, avec pour résultat ce que vous allez voir à l’écran.

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